Depuis les années soixante-dix, Pierre Bancharel a tenu un journal pour consigner jour après jour ses réflexions sur son travail. Un journal consacré à sa peinture, mais pas seulement. Il y parle de sa vision, de son évolution, et aussi des peintres qu’il aime. Rembrandt, Soutine, Bonnard, Chardin, et, le plus grand, Courbet sont constamment nommés. Il note ses « recettes », il s’interroge sur la modernité, il compare la peinture et la musique. En voici quelques extraits qui peuvent éclairer son œuvre.
28 février 1983
Une chose est certaine, seuls Soutine et Rembrandt ont réussi à obtenir une matière non seulement savoureuse, mais profonde et palpitante, au point qu’elle communique une impression d’intensité et de « religiosité » totale. Courbet, Greco, Goya, Daumier, Corot et Chardin, pour ne prendre que ceux qui expriment une matière plus ou moins puissante et savoureuse, n’atteignent jamais cette force à la fois charnelle et spirituelle. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de spiritualité chez eux ou de puissance, mais jamais ils ne dépassent l’expression, je dirais presque purement matérielle.
Chez Soutine et Rembrandt il y a alchimie, comme si la chair et l’esprit ne faisaient plus qu’un…
Tout de même curieux qu’il n’existe que ces deux bonshommes pour avoir atteint ce sommet.
Ce genre de matière ne s’obtient pas avec du goût, du raffinement, une vision juste, mais seulement par la passion intérieure, je dirais presque la foi. Il y a des chances pour que cela ne plaise pas beaucoup à notre époque de jolis tons et de sobriété raffinée. Impossible de peindre « proprement » si on est porté à exprimer cette matière quasi-spiritualisée. Il n’y a pas de recettes. Seulement, ceci peut-être : éviter les gris et les froids.


31 mai 2010
Si je m’écoutais, je n’utiliserais plus que la palette des peintures de Petitou, à condition d’en tirer une matière plus charnelle et savoureuse car j’ai un peu oublié ce but primordial de la vraie peinture. Dans La rue de l’Aude -peinte vers 1998 – 99 avec de l’outremer, du noir, de la TOB, de la TSN, de l’OR, mais au couteau, il y a cette matière. Le résultat « porte », comme disait Bonnard.
