Pierre BANCHAREL
( 1937 – 2018 )

Il est très difficile d’écrire une biographie de Pierre Bancharel. Impossible de donner des dates, de lister des faits qui ont jalonné sa vie. Une biographie linéaire est ce qui est le plus éloigné de sa personnalité. Aucun événement marquant, sauf ceux contre lesquels on ne peut rien, les deuils qui, chaque fois, ont entraîné une interruption dans son travail, n’est à noter. Jean Dutourd disait que le comble du chic pour un artiste est de n’avoir pas de biographie. En effet, le plus important, c’est l’oeuvre.

Né à Pau, Pierre Bancharel montre très tôt un goût et une aptitude pour le dessin. Croyant le préparer à l’enseignement, ses parents lui donnent un professeur, Frédéric Jouanne, qui le forme, non seulement à l’architecture du dessin, mais aussi à l’art de la composition et à la technique de la peinture à l’huile et de l’aquarelle. A dix-neuf ans, il part pour Paris où il est reçu à l’école des Beaux-Arts. Il fréquente l’Académie de la Grande-Chaumière, visite le Louvre et rencontre d’autres artistes à Montparnasse, quartier mythique qui est en train de vivre ses dernières années.

Une première exposition à Saint-Palais, au Pays basque – il a dix-huit ans – durant sa période abstraite lui attire des éloges. Une deuxième exposition – il a alors vingt ans – cette fois à Bordeaux, d’œuvres surréalistes aurait pu lui ouvrir la voie d’une carrière, mais pour lui, le surréalisme s’arrête là, et s’il a trouvé quelque intérêt dans l’abstraction, c’est le retour au figuratif et au réalisme qui lui permet de s’épanouir pleinement.

Pierre Bancharel dans son ateliers
Pierre Bancharel dans son atelier en 1985
bearn_vallee
Paysage de la Vallée Heureuse

Désireux de renouer avec son Béarn natal, ayant besoin de cette nature somptueuse au pied des Pyrénées, il s’installe à Pau où il devient professeur aux Beaux-Arts, mais au bout de deux ans, il se rend compte qu’il n’a plus assez de temps pour sa peinture et renonce à l’enseignement. Il retourne à Paris.

Sa manière évolue. Il passe de la couleur quasiment à l’état brut dans les années cinquante à une palette beaucoup plus sobre, à l’absence progressive de couleurs, si l’on peut dire, ne travaillant plus qu’avec des « terres ».

Etonnamment, il peint peu de paysages, peu de natures-mortes. Avant tout des personnages, en groupe ou seuls. Il explore sans cesse ce que les êtres humains peuvent lui apporter. 

Il montre son travail, mais les marchands de tableaux tantôt jugent son retour au figuratif anachronique, tantôt font la moue devant son expressionnisme. Alors, il expose au Salon des Indépendants à Paris. Il se crée un cercle d’amis et de collectionneurs chez qui il expose et vend de manière privée.

Ne cédant jamais à la facilité, ne suivant aucune mode, ne se réclamant d’aucune école, ne s’inscrivant dans aucun courant, ses admirations vont à Titien, Rembrandt, Chardin, Bonnard, Soutine, Balthus, et au plus grand de tous, Gustave Courbet, dont il a sous les yeux en permanence une reproduction de L’Atelier du Peintre.

Son espace, ce n’était pas le monde mais son atelier, et Montparnasse lorsque la Coupole et le Sélect existaient encore. Son temps, c’était une seule journée, toujours la même, devant son chevalet, trois cent soixante-cinq jours par an.

 

Pas de voyages, pas de vacances, pas de famille au sens où l’on entend épouse et enfants. Mais des compagnes, des amis, des chats et des dîners mémorables où il montrait ses talents culinaires en préparant des montagnes de spaghetti ou la garbure de son Béarn.

 

De ce besoin insurmontable de peindre, il travaille sans relâche et  crée une œuvre personnelle, sans vouloir être original à tout prix, credo des artistes et des marchands d’aujourd’hui. Il laisse une œuvre vigoureuse, originale, sans concessions. Ses nus sont parmi les plus beaux de toute la peinture tant il a su donner à la chair de ses femmes un éclat et une saveur dignes des plus grands.

Ses écrits sur l’art contemporain éclairent la façon dont la peinture, art savant, autant que la musique ou la littérature qui nécessitent, on en convient, de connaître le solfège, l’harmonie, le vocabulaire, la grammaire, est devenue un art décadent que n’importe qui s’autorise à pratiquer impunément. Est-ce qu’on pourrait imaginer un boulanger ou un ingénieur agronome se mettre soudain à la chirurgie sans avoir appris l’anatomie et sans s’être exercé pendant des années ?

Pierre Bancharel devant un portrait exécuté par son amis Paolo Vallorz
Pierre Bancharel devant un portrait exécuté par son ami Paolo Vallorz
Pierre Bancharel - L'atelier de Montparnasse
L'atelier de Pierre Bancharel à Montparnasse en 2000